Militant de l’organisation de la société civile « Le balai citoyen », le Burkinabè Ollo Mathias Kambou a été interpellé et doit être poursuivi pour des écrits jugés « injurieux » à l’égard du régime en place. Des méthodes qui rappellent celle du régime de Blaise Compaoré.
Le Balai citoyen ne saurait être taxé ni de complaisance naïve à l’égard des juntes qui peuplent l’histoire burkinabè contemporaine, ni d’acharnement contre les putschistes. Après l’insurrection populaire de 2014, cette organisation de la société civile épinglait le bénéfice du doute au treillis inopiné d’Isaac Zida, tandis qu’elle envoyait une fin de non recevoir à l’apparition du béret de Gilbert Diendéré, moins d’un an plus tard. Et le 24 janvier dernier, elle « prenait acte » du coup d’État du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR)…
« Vigilance » et « alerte » étant les maîtres-mots du Balai citoyen, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba n’aurait pas dû confondre « bienveillance » et « blanc-seing ». Car voici venu le temps du premier bilan sécuritaire dont le terme avait été fixé par les putschistes eux-mêmes. Si le président de la transition ne s’est pas dérobé à l’exercice de l’allocution – ce dimanche 4 septembre depuis Dori, dans la zone sahélienne du pays–, il devait accepter les décryptages critiques de ladite intervention radiodiffusée
Outrage au président
Au lendemain de cette adresse à la nation, jugée plutôt évasive, un membre de la coordination nationale du Balai citoyen participait à un programme de la télévision Oméga. Peu après l’émission, l’organisation perd la trace de Ollo Mathias Kambou. Elle apprend plus tard que le « balayeur » se trouve au service de recherches de la gendarmerie, à Ouagadougou, il semble avoir été arrêté « par des hommes en civil ».
Une manifestation est improvisée, ce mardi 6 septembre au matin, devant les locaux de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC) où le disparu aurait été transféré. Ses avocats annoncent que Kambou aurait été présenté au procureur du Faso, placé sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco), en vue de poursuites pour « outrage au président du Faso », après des publications jugées « injurieuses » sur les réseaux sociaux.
Quelques jours après l’incendie du véhicule de Serge Bayala, autre figure historique du Balai citoyen, l’heure des bilans rendrait-elle nerveux certains dirigeants ? Si d’autres organisations de la société civile avertissent que les critiques acerbes contre les corps habillés démoralisent les troupes et compromettent la lutte contre les terroristes, l’arrestation de Ollo Mathias Kambou apparaît bien cavalière, la procédure bien expéditive et l’incarcération bien radicale. Quant au motif, il mérite d’être éclairci. Est-ce le #7moisPourRien propulsé par l’interpellé qui a froissé les autorités ou l’appel lancé au président à « libérer le plancher au plus vite » ?
Même vêtu d’un trompe-l’œil constitutionnel, le régime d’exception semble oublier que le délit d’offense au chef de l’État était le joujou favori de Blaise Compaoré, celui-là même que Paul-Henri Damiba vient de rencontrer en Côte d’Ivoire. Celui-là même qui fut « balayé citoyennement » en 2014…
JA