Après des mois de spéculations sur ses intentions, le président sénégalais a finalement déclaré lundi soir à la télévision nationale qu’il ne briguerait pas de troisième mandat à la présidentielle de février 2024.
Le suspense est enfin levé. Après des mois de questionnements, Macky Sall a finalement annoncé qu’il ne participerait pas à la présidentielle de février 2024. « Ma décision, longuement réfléchie, est de ne pas être candidat à l’élection, même si la Constitution m’en donne le droit », a déclaré le président lundi soir dans une allocution à la Radio télévision sénégalaise (RTS).
« Je sais que cette décision surprendra tous celles et ceux dont je connais l’admiration, ceux et celles qui souhaitent me voir guider la construction du Sénégal, mais le Sénégal dépasse ma personne, et il est rempli de leaders capables de pousser le pays vers l’émergence », a fait savoir le président.
C’est tout un pays qui était suspendu à ses lèvres ce lundi 3 juillet, alors que le débat sur son éventuel troisième mandat cristallisait les tensions dans le pays, à huit mois de la présidentielle.
« Mon second et dernier mandat »
Comme il l’a lui-même rappelé ce soir, sa potentielle candidature avait fait l’objet de nombreuses spéculations. « Je n’ai jamais voulu être l’otage de cette injonction permanente à parler avant l’heure, car mes priorités portaient à engager l’action vers l’émergence, a expliqué Macky Sall. Le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. C’est cela que j’avais dit, et c’est cela que j’affirme ce soir. »
Il est revenu au début de son allocution sur les jours de violences qui ont secoué le Sénégal au début du mois de juin, après la condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme. Il a fait part de sa « tristesse » et s’est « incliné devant la mémoire des enfants qui ont perdu la vie sous les effets brutaux de la violence ». « La vie de nos citoyens ne peut être sacrifiée sur l’autel politique », a ajouté le président, évoquant un « crime organisé contre le Sénégal et ses institutions », des « actes inadmissibles » et une « machination institutionnelle ».
Depuis sa réélection en 2019, le président avait refusé de répondre à la question de son éventuelle candidature en 2024. Peu à peu, les personnalités du pouvoir qui s’exprimaient contre la possibilité d’un troisième mandat présidentiel étaient écartées.
En dépit de l’article de la Constitution qui précise que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » dont « la durée est de cinq ans », les partisans du troisième mandat estimaient que Macky Sall, qui a révisé la Constitution en 2016, n’a réalisé qu’un seul quinquennat, et aurait donc légitimement pu se présenter à un troisième mandat.
Question lancinante
Tout au long de son second mandat, le chef de l’exécutif a botté en touche sur cette question. En mai 2022, interrogé par Jeune Afrique à ce sujet, il répondait en ces termes : « Je répondrai à cette question après les législatives. Il sera alors temps de fixer le cap de 2024. En attendant, nous avons du travail, et guère le loisir de nous disperser. »
Pourtant, après les législatives de juillet 2022, qui marquèrent l’avancée inédite de l’opposition et l’écroulement de la majorité absolue du camp présidentiel, Macky Sall ne s’exprimera pas pour autant. Il sera néanmoins investi par son parti, l’Alliance pour la République (APR), peu après le scrutin.
JE CONTINUERAI DE CONSACRER TOUTES MES FORCES À DÉFENDRE SANS FAILLE LES INSTITUTIONS
Quelques jours après la condamnation de son premier opposant, Ousmane Sonko, à deux ans de prison ferme le 1er juin, le chef de l’État recevait au palais les représentants du patronat. La question du troisième mandat lui avait alors été posée, une nouvelle fois. « Je ne ferai ni plus ni moins que mes prédécesseurs », avait répondu Macky Sall, sibyllin.
C’est justement son prédécesseur Abdoulaye Wade qui avait lui-même tenté l’aventure du troisième mandat, avant d’être défait dans les urnes par son ancien Premier ministre. Macky Sall avait à l’époque largement profité de l’opposition à un troisième mandat pour se faire élire.
En juin dernier, à Paris, face à des sympathisants survoltés lui enjoignant de se présenter, il avait a nouveau semé le doute : « Nous nous maintiendrons au pouvoir avec la volonté du peuple. Je m’adresserai au pays dans peu de temps. Après cette déclaration, nous aurons de quoi faire pour aller vers la marche du progrès et vers la victoire en 2024 », avait-il déclaré.
Quel dauphin ?
Son refus de nommer un dauphin à quelques mois de la présidentielle, et les déclarations de ses ministres et partisans, qui en ont fait depuis plusieurs mois le candidat du parti présidentiel, poussaient l’ensemble de ses adversaires à être convaincus qu’il allait se représenter.
« L’heure du bilan viendra plus tard, a fait savoir le président lundi. D’ici là, j’assumerai avec responsabilité toutes les charges de ma fonction. Je continuerai de consacrer toutes mes forces à défendre sans faille les institutions, l’intégrité du territoire, la protection des personnes et des biens. » À charge de son parti, l’APR, de désigner désormais un nouveau candidat.
JA