Le Réseau des médias africains pour la santé et l’environnement (Rémapsen) a organisé, ce mercredi 25 octobre 2023, le 37ème numéro de son webinaire, sur la problématique de la fistule obstétricale en Afrique avec en toile de fond cette expression qui sonne comme un défi : Parlons-en.
Ce thème a été développé par docteur Cheick Oumar Touré, directeur régional de Intral-Health international pour l’Afrique de l’ouest et du centre.
Docteur Cheick Oumar Touré a d’emblée déclaré que parler de fistule obstétricale, c’est parler de femmes démunies et de femmes pauvres.
Il a ensuite dévoilé les quatre axes de sa présentation notamment les causes, les déterminants, la cartographie et les conséquences de la fistule obstétricale en Afrique de l’ouest et du centre.
Selon le conférencier, la fistule obstétricale est liée à l’insuffisance de la couverture quantitative et qualitative de la femme enceinte, de la grossesse jusqu’à l’accouchement.
Trois retards sont également évoqués dans la littérature comme les causes de la fistule obstétricale entre autres :
1er : La prise de décision : de recourir aux établissements de santé pour le suivi de la femme enceinte.
2ème : Le retard lié au transport des femmes par la charrette, la moto et la pirogue pour arriver au centre de santé, le plus proche et enfin le 3ème retard relatif à la prise en charge des femmes enceintes au niveau des structures sanitaires soit parce que ces prestataires sont débordés, soit par manque de moyen quand la prise en charge est payante.
Puis, Docteur Cheick Oumar Touré a aussi souligné l’âge requis des femmes pour le mariage et la grossesse. Celui-ci se situe dans l’intervalle de 18- 20 ans tout en martelant que la femme n’est pas prête avant 18 ans pour accoucher sans complication.
De même, le mariage traditionnel ou religieux, qui est célébré en Afrique, se fait en violation de la législation en vigueur dans la plupart de ces pays.
L’orateur a rappelé que dans certains pays développés, qui ont fini avec la fistule, tout acte sexuel avant cet âge, est donc considéré comme un acte de pédophilie et passible de peine de prison-ferme.
L’analphabétisme et la pauvreté sont également cités par docteur Touré comme autres causes, car plus de 80% de ces femmes, qui souffrent de la fistule obstétricale, n’ont pas été à l’école, sont malnutries et vivent dans les milieux pauvres.
Abordant les déterminants de la fistule obstétricale, docteur Cheick Oumar Touré a dit que la fistule obstétricale est obstétricale lorsqu’elle survient après l’accouchement.
Il en a trois (3) types de fistule obstétricale à savoir :
-Fistule vessico-vaginale : vessie pour la vessie et qui sort par le vagin
-Fistule rectum-vaginale : du rectum au vagin
-Fistule vessico-rectum-vaginale : Urine et matières fécales sortent par le vagin sans que la femme ne puisse contrôler.
La fistule est donc un problème de santé publique dans les pays en voie de développement. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), il y a plus de 2 millions de femmes qui souffrent des fistules obstétricale, 90% de celles-ci se trouvent en Afrique et en Asie du Sud.
Seuls les pays occidentaux sont à l’abri ainsi que l’Inde en Asie de même que certains pays magrébins.
Deux caractéristiques communes à ces pays frappés par l’expansion de la fistule obstétricale.
Tout d’abord, ce sont les pays où la mortalité maternelle est très élevée et la crise de ressources humaines de santé, est criarde.
Selon toujours l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), pour qu’un pays puisse par exemple résoudre ses problèmes de santé et honorer son engagement lié aux Objectifs du Développement Durable(les ODD), il faut que le pays bénéficie de 23 prestataires de santé pour chaque 10.000 habitants.
Le tableau suivant n’est pas reluisant en Afrique :
Mali : 6 pour chaque 10.000 habitants
Sénégal : 5 pour chaque 10.000 habitants
Niger : 4,5 pour chaque 10.000 habitants.
Il y a, en outre, une grande disparité entre la capitale et la zone rurale où l’on ne trouve pas les agents de santé qualifiés.
Par ailleurs, docteur Cheick Oumar Touré s’est appesanti sur les données sociodémographiques du Mali pour passer en revue les différents éléments, basés sur les évidences scientifiques et cas réels.
Par exemple, du mois de juin 2014 au mois d’avril 2018, 1096 femmes, qui souffrent de la fistule obstétricale au Mal, ont été opérées et ont été prises en charge à travers les campagnes de prise en charge et par la routine.
Il s’est empressé d’affirmer que celles-ci venaient de toutes les régions du Mali avant de s’interroger: Qu’est-ce qui était marquant chez ces femmes? :
C’est que 94% de ces femmes étaient les cas confirmés et qui ont été opérées.
De même 88% des femmes, qui se sont présentées, ont été mariées à l’adolescence. Ce qui prouve que la fistule est liée au mariage précoce.
Aussi 46% de ces femmes sont entre 10 et 15 ans alors que 28% de ces femmes ont l’âge qui varie entre 16 et 17 ans tandis que 13% sont dans la tranche d’âge qui se situe entre 18-19 ans. Enfin, elles ne sont que 12% dans la tranche 20-24 ans.
Cependant, 85% de ces femmes ont eu leur premier enfant, une année après leur mariage, comme pour dire mariée jeune et grossesse jeune.
Selon le Conférencier, dans les pays de l’Afrique de l’ouest et du centre, ces femmes, qui souffrent de la fistule obstétricale, sont victimes de l’exclusion, par exemple elles sont interdites d’accès aux mosquées et églises.
Elles sont souvent victimes de répudiation de la part de leurs époux alors qu’elles ont perdu leurs enfants et elles sont abandonnées par toute la société et finissent par sombrer dans la dépression.
Que faut-il faire ?
Docteur Cheick Oumar Touré a donc invité les journalistes, regroupés au sein du Rémapsen, à œuvrer dans la sensibilisation des communautés sur les méfaits des mariages et grossesses précoces.
De même d’exhorter les ménages à fréquenter les établissements de santé et hôpitaux dès le début de la grossesse ainsi que la mise en place d’un plan d’accouchement pour chaque grossesse dans les structures sanitaires.
Docteur Cheick Oumar Touré a également sollicité les journalistes à développer la visibilité des autorités et partenaires des pays de l’Afrique de l’ouest et du centre à plus d’engagement dans le financement de la prise en charge des femmes souffrant de la fistule obstétricale dont le coût est estimé à plus de 250.000 CFA.
Il a conclu sa communication sur son vœu de voir médecins, sages-femmes et hommes de médias conjuguer leurs efforts pour que les bonnes informations arrivent aux populations.
Nanténin SANOH
Présentation de Intral-Health international
Intral-Health International a 44 ans d’existence et a été créée en 1979 comme programme de formation de l’université de Carolyn du Nord aux USA.
C’est là où se trouve son siège mais c’est en 2003 que Intral-Health est devenue une ONG indépendante avec toujours son programme affilié à l’université du Carolyn du Nord.
C’est plus 575 emplois à travers le monde, 13 bureaux locaux et est présente dans 35 pays. Elle est intervenue dans 100 pays à travers le monde en y apportant son assistance aux organisations de la société civile ou aux gouvernements.
Forte présence en Afrique de l’ouest avec le bureau régional de l’Afrique de l’ouest et du centre, basé à Bamako, un bureau régional basé à Nairobi pour couvrir l’Afrique de l’est.
D’autres domaines de son intervention sont le VIH/sida, la prévention et la prise en charge de la Tuberculose ainsi qu’un gros volet sur la santé de la mère et du nouveau-né dont focus est mis sur la planification familiale.
Intral-Health a assuré le premier secrétariat du partenariat de Ouagadougou depuis sa création avant de faire la transition à une entité locale du Burkina Faso.
Intral-Health intervient en outre dans la sécurité sanitaire mondiale à travers la lutte contre la Covid 19, les autres épidémies et maladies infectieuses.
Mais également dans d’autres initiatives sur les Maladies Non Transmissibles (MNT) telles que les maladies cardio-vasculaires de même que la santé digitale afin de pouvoir amener le développement à la base en vue de permettre aux pays d’atteindre leurs objectifs.