Les co-présidents du comité national des assises ont officiellement remis au président de la Transition le rapport final de leurs travaux hier, mercredi 24 août 2022, au palais Mohamed 5. C’est dans une salle archi comble que les religieux, Elhadj Mamadou Saliou Camara et monseigneur Vincent Coulibaly, ont pris la parole pour exposer un résumé du document final qui englobe les attentes des Guinéens dans le processus de la réconciliation.
Le rapport contient 45 recommandations dont certaines sont jugées urgentes par les 31 membres du comité national des assises, a dit monseigneur Vincent Coulibaly.
« Ces assises nationales ont connu la participation effective de 86 249 de nos compatriotes et recueilli 4 796 témoignages. C’est le lieu de remercier l’ensemble des populations guinéennes pour leurs adhésions à la démarche des autorités de la Transition qui consiste à purger les pages sombres de notre histoire…
Mesdames et messieurs, après avoir écouté les témoignages des populations sur les différents actes de violences, de violations des droits humains et recueilli les demandes de réparation, le CNA fait 45 recommandations dont certaines sont urgentes :
1)- Assurer une prise en charge médicale immédiate des malades victimes de violences et de violations des droits humains et leur apporter une psychologique et matérielle ; régulariser la situation des personnes mises à la retraite par erreur par la fonction publique et par l’armée ; accorder un moratoire aux déguerpissements pendant la période hivernale ; rembourser l’avance payée par les femmes et les jeunes dans les programmes MUFA et MCD pour les cas justifiés ; régulariser la situation des salariés pénalisés par le gel des comptes de leurs institutions et des collectivités locales après le 5 septembre 2021 ; mettre en place une commission ad hoc de suivi et d’exécution des recommandations issues des assises nationales ; vulgariser le rapport issu des assises nationales.
2-Recommandations relatives à la manifestation de la vérité
Mettre en place par voie législative une commission vérité et réconciliation pour connaître les cas les plus complexes de notre passé historique qui nécessitent un traitement particulier ; mettre en place un comité scientifique qui aura pour mission d’écrire l’histoire générale de la Guinée ; mener des démarches pour l’obtention de la de classification des archives portant sur la Guinée, en Guinée et à l’étranger pour établir la vérité et faire un travail mémoriel.
3-Recommandations de droit à la justice
Réhabiliter toutes les victimes politiques de tous les régimes en cassant les jugements de condamnations en violation de la loi en vigueur ; accélérer la tenue des procès entre autres notamment ceux de janvier-février 2007, du 28 septembre 2009, d’août 2012, et autres crimes de sang commis lors des manifestations politiques et syndicales ; adopter une loi pour la protection des victimes et des témoins ; identifier et punir les auteurs de violences et de violations des droits humains lors des manifestations tant parmi les forces de défense et de sécurité que parmi les manifestants.
4-Recommandations relatives aux réparations
À l’Etat et aux auteurs de reconnaître leurs parts de responsabilité dans la gestion du passé historique du pays, suivie de la présentation d’excuses publiques aux victimes ; mettre en place un fonds d’indemnisation des victimes ; restituer aux ayant-droits leurs biens spoliés et procéder aux réparations même symbolique ; transformer la partie carcérale du camp Camayenne en un lieu de mémoire par la construction des monuments de souvenir ; institutionnaliser une journée nationale de souvenir à la mémoire des victimes de violences et violations des droits humains ; ériger des musées, monuments, stèles dans tous les lieux de mémoire et attribuer aux édifices des voies publiques des noms puisés dans le riche répertoire de notre patrimoine historique ; localiser et sécuriser les charniers afin d’identifier ceux qui furent y ensevelis et restituer les restes aux familles afin qu’elles fassent enfin leurs deuils.
5-Recommandations liées aux réformes institutionnelles ; renforcer l’appareil judiciaire tant dans ses moyens, ces procédures que dans son indépendance pour rendre des décisions justes et ainsi mettre fin à l’impunité et à l’injustice chronique ; adopter une loi qui condamne les propos et attitudes à caractère ethnocentrique, communautariste, et religieux ; créer une institution nationale de gestion et de résolution de conflits pouvant porter atteinte à la cohésion nationale ; réduire le nombre de partis politiques ; mettre en place un dispositif de veille et de lutte contre les violences à caractère politique ; renforcer les ressources infrastructurelles, humaines et financières pour faciliter l’accès des populations aux services sociaux de bases à Conakry et surtout à l’intérieur du pays ; mettre en place un dispositif efficace permettant la prise en charge effective des dénonciations notamment à travers des numéros verts, dénonciations des cas de corruptions et d’autres types économiques et financiers ; veiller à l’application effective de la loi sur la corruption… ».
Pour sa part, le colonel Mamadi Doumbouya a, dans son discours, dit sa détermination à apaiser les cœurs et les rancœurs des Guinéens. Il a également insisté sur son engagement à ne pas reculer dans son élan. Devant le médiateur désigné de la CEDEAO, Mamadi Doumbouya a reconnu l’existence des problèmes guinéens mais a souligné que les solutions seront guinéennes.
Colonel Mamadi Doumbouya, président du CNRD, président de la Transition : « Nous voici aux termes d’une étape d’importante de ce processus de vérité et de pardon, dans cette même salle là où nous avons fait le pari de tendre une oreille attentive à nos ressentiments, à nos refoulements, à nos blessures et à nos fractures sociales pour écrire une page apaisée, une page brillante de notre histoire. On aurait pu penser que le pari n’était pas gagné mais nous voici de nouveau dans cette même salle où nous avons ouvert les assises nationales sous le signe de la vérité et du pardon cette fois-ci pour la remise du rapport du comité national des assises.
Ce moment ne ferme pas notre longue histoire et notre longue marche à travers notre passé commun, sombre par endroits sur lesquels nous avons lancés quelques projecteurs et que d’autres continueront certainement à éclairer.
En attendant, ce moment solennelle est pour nous l’expression de notre détermination à apaiser les cœurs et les rancœurs, écouter son prochain, ses douleurs surtout lorsque celui-ci sont infligés aux mépris de l’appartenance à une même nation, un même pays mais c’est faire preuve de maturité, de responsabilité et surtout une nécessité absolue de dépasser les clivages et regarder ensemble dans la même direction. En ce sens, le travail du comité national des assises est très salutaire.
Mesdames et messieurs, chers compatriotes en prenant nos responsabilités le 5 septembre 2021, nous avons fait vœux du rassemblement c’est un serment et entant que soldat j’ai juré de servir le drapeau, j’en connais la teneur du serment et les valeurs, j’entends honorer mes engagements donc depuis le début de cette transition nous avons posés des actes de réconciliation et d’union nationale.
L’unité de notre pays est en effet la pierre angulaire de mon action, il y a urgence d’agir car chaque jour, chaque moment qui passe est un jour de trop dans le dénouement, dans l’extrême pauvreté, dans des difficultés pour des millions de nos compatriotes, une triste réalité qui contraste avec l’immense riche de notre pays. Nous nous sommes engagés à faire une rupture en procédant à des réformes.
Mesdames et messieurs aucun développement, je dis aucun développement n’est possible sans justice et sans surtout la lutte contre la corruption.
Mes chers compatriotes les changements sont dès fois procédés d’inconfort, dans le cas de nos pays ça touche des intérêts individuels et égoïstes parfois qui bloquent malheureusement l’unité et le rassemblement de la Guinée.
Mes chers compatriotes nous ne pouvons pas continuer à freiner le développement de notre pays en se cachant derrière les considérations irrationnelles que sont: l’ethnie, la religion où la région et très souvent la politique. Au lieu d’instrumentaliser la jeunesse guinéenne concentrons nous plutôt à son avenir parce que pour moi le seul combat qui mérite actuellement d’être mené c’est l’avenir de notre pays.
Les réformes structurelles continueront dans tous les domaines et nous ne reculerons devant personne pour faire les réformes, l’avenir de notre jeunesse est la seule raison d’être de notre État. C’est à ces réformes que j’associe les conclusions de votre rapport, je pu vous dire que chaque ligne, chaque solution proposée dans se rapport sera analyser et prise en compte à la lumière bien sûr de l’intérêt supérieur du peuple souverain de Guinée.
Mes chers compatriotes l’occasion a été donnée à chacun de dire la vérité du moins sa part de vérité, le comité national des assises a effectué son travail, les guinéens le leurs, ils ont été au rendez-vous de l’histoire. Croyez moi que nous sommes déterminer à tout mettre en œuvre pour combler les attentes, chers membres du comité national des assises, chers co-présidents c’est le moment de vous remercier pour le travail abattu. Par votre mobilisation, vous avez prouver que vous portez la Guinée dans vos cœurs.
Je vous vous témoigne toute ma reconnaissance et ma gratitude pour les efforts fournis pour la nécessité et surtout pour la réussite des journées de vérité et du pardon. L’heure est au rassemblement, à l’unité en apportant une attention aux recommandations des journées nationales des assises. Vous pouvez compter sur moi, je ferez en sorte que vos efforts ne soient pas vains et que la parole libre des guinéennes et guinéens que leurs expressions de vérités et de pardons ne soient pas un ego qui meurt dans le silence des tiroirs de l’oubli, je ferai un point d’honneur.
Et pour terminer mes chers compatriotes, la solution à nos problèmes on ne peut compter sur personne, les problèmes sont guinéens et les solutions le seront aussi, qu’on se regarde en face et nous avons depuis le début de notre histoire assumé nos responsabilités et nous n’avons compter sur personne pour faire le faire le travail à notre place et on le fera, on le fera. Pour terminer je peux vous dire que la détermination du gouvernement de la transition est sans faille ».
A noter que plusieurs formations politiques et organisations de la société civile n’ont pas pris part à cette cérémonie de remise officielle du rapport final des assises nationales au Colonel Mamadi Doumbouya.
Source : Guineematin.com