L’indignation ne retombe pas. Au contraire, elle s’amplifie après l’annonce, mercredi 10 avril dans la soirée, par les autorités de transition, de suspendre les activités des partis et des associations à caractère politique du pays. Au Mali, l’indignation grandit, tandis que le Premier ministre Choguel Maïga repousse la perspective de la fin de la Transition. Les plus de 80 partis et organisations de la « déclaration du 31 mars », qui rassemble la quasi-totalité des mouvements politiques du pays, estiment que cette suspension « viole » tous les textes constitutionnels et législatifs du pays. Ils dénoncent « des atteintes graves aux libertés démocratiques […] sans précédent […] depuis la chute de la dictature militaire du général Moussa Traoré », en 1991.
Les autorités de transition du Mali ont justifié « par raison d’ordre publique » la suspension des partis politiques, accusés de mener des activités de « subversion » : les formations de la déclaration du 31 mars y voient une « justification fallacieuse » pour une « décision liberticide et tyrannique », décision qu’ils comptent « attaquer devant toutes les juridictions nationales et internationales. »
Colère et protestation
Certains membres de ce vaste regroupement vont même plus loin. On peut notamment citer le magistrat Cheick Mohamed Chérif Koné, qui juge « hors de question de laisser la dictature prospérer dans le pays », ou encore l’ancien ministre Housseini Amion Guindo, de la Codem, qui appelle à « enclencher une désobéissance civile jusqu’à la chute du régime ».
Moins véhémente, mais courageuse, la Commission nationale des droits de l’homme, institution étatique, juge qu’« au lieu d’apaiser le climat social, ces restrictions aux droits et libertés fondamentaux constituent des facteurs potentiels de troubles […] dont le pays n’a pas besoin ».
Enfin, la Maison de la presse du Mali, qui rassemble toutes les organisations de journalistes du pays, et qui s’était jusqu’ici montrée plutôt docile vis-à-vis des autorités de transition, appelle cette fois les médias nationaux à « ne pas se soumettre aux injonctions » des autorités, qui leur demandent de ne plus traiter les activités des partis politiques et des associations, et de « rester debouts, unis et mobilisés » pour la défense du droit à l’information.
Ces protestations dépassent à présent les frontières maliennes. L’ONU demande au Mali d’« abroger immédiatement » cette décision. Les États-Unis sont « profondément préoccupés » par une mesure qui « prive le peuple malien de sa voix » sur la gestion du pays. L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch estime qu’elle reflète la « répression incessante d’une opposition et d’une dissidence pacifique ».
Le Premier ministre de transition a également commenté, vendredi 12 avril 2024, cette décision. Il s’est exprimé sur la chaine d’État ORTM et a posté son message sur les réseaux sociaux.
« Souvent, c’est la démocratie qui est utilisée pour tuer la démocratie. C’est pour cela que le gouvernement redouble de vigilance. » Selon Choguel Maiga, qui a toujours revendiqué l’héritage de l’ancien dictateur militaire Moussa Traoré, cette suspension serait donc une manière de protéger le pays.
Le Premier ministre de transition s’est aussi exprimé sur la période de Transition, qui officiellement pris fin le 26 mars dernier : « La phase de stabilisation [du pays, NDLR] doit atteindre un point de non-retour, un point suffisamment stable pour pouvoir organiser des élections. » En clair, parce que les processus de sécurisation et de bonne gestion du Mali seraient toujours en cours, il serait encore trop tôt pour fixer une date pour la prochaine présidentielle, et donc pour la fin de la période de Transition.
Quant à tous les Maliens qui réclament des élections dans les meilleurs délais, pour choisir leurs dirigeants, Choguel Maïga leur reproche leur « angélisme démocratique » au service des « ennemis du Mali. »
RFI