Alors qu’ils couvraient une manifestation pour la liberté de la presse et contre le blocage, depuis deux mois, du site d’information Guinée Matin, dix journalistes ont été arrêtés et conduits au tribunal de Kaloum à Conakry. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités judiciaires à abandonner les charges contre les reporters et condamne les violences policières dont ils ont été victimes.
“Ils ont voulu nous disperser, ont utilisé des gaz lacrymogènes, ont brutalisé les journalistes et cassé du matériel avant de nous embarquer”, déplore le secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), Sékou Jamal Pendessa, à l’initiative d’une marche pacifique contre le blocage du site d’information Guinée matin. Avec 12 de ses confrères, dont 10 venus pour couvrir le rassemblement pour des médias comme Guinée Matin et Hadafo Médias, il a été violemment arrêté dans la matinée du 16 octobre à Conakry, la capitale du pays. Ils ont finalement été relâchés en fin de journée.
Plusieurs d’entre eux ont été brutalisés et frappés, et leur matériel, dont des caméras et des dictaphones, a été endommagé. La reporter de la chaîne de télévision d’information privée Cavi TVMariama Bhoye Barry a été blessée au coude par un projectile, au moment où les forces de sécurité envoyaient du gaz lacrymogène.
Les journalistes ont été emmenés au commissariat central de Kaloum avant d’être transférés au tribunal de première instance. Libérés après plus de sept heures de détention illégale, les journalistes sont accusés de “participation délictueuse à un attroupement illégal » et convoqués au tribunal la semaine prochaine.
“Les autorités guinéennes, qui s’étaient pourtant engagées lors d’une rencontre avec RSF en octobre 2021 à protéger la liberté de la presse pendant la transition, peinent encore à tenir leurs promesses. Les violences commises sur les professionnels de l’information et leur arrestation sont inadmissibles. RSF exige l’abandon des charges retenues contre eux et réitère son appel à tout mettre en œuvre pour débloquer l’accès au site d’information Guinée Matin, aujourd’hui disponible grâce à la création d’un site miroir par RSF.
Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Quatre associations de presse (AGUIPEL, URTELGUI, REMIGUI et UPLG) ont réagi, notant un “recul grave de la liberté d’expression et de la démocratie ». Le SPPG, la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et le partenaire local de RSF, l’Alliance des médias pour les droits humains (AMDH) ont également publié une déclaration conjointe condamnant les arrestations.
Le rassemblement appelait au rétablissement de l’accès au site d’information Guinée Matin, bloqué dans le pays depuis mi-août 2023, sans explication et sans qu’aucun problème technique n’ait été détecté, selon son administrateur général. Le SPPG estime que les autorités au pouvoir, à travers le ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, Ousmane Gaoual Diallo, aussi porte-parole du gouvernement, est à l’origine du blocage.
Contacté par RSF, ce dernier avait décliné toute responsabilité de l’État. Le site est accessible sans VPN depuis la création d’un site miroir par RSF fin août dernier.
Pendant un mois et demi, jusque dans la soirée du 14 octobre, le site d’information et d’investigationInquisiteur.net a lui aussi été bloqué en Guinée. RSF avait également mis en place un site miroirafin d’en rétablir l’accès. L’administrateur général du site, Mamoudou Babila Keita, a affirmé à l’organisation que la décision du blocage ne provenait pas de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT), mais du directeur de la communication et de l’information de la junte, Moussa Moïse Sylla, co-fondateur, ancien administrateur général et ancien co-actionnaire du média. Après plus d’un mois de démarches pour tenter de rétablir l’accès au site, le Réseau des médias sur Internet en Guinée (REMIGUI) a servi de médiateur entre Mamoudou Babila Keita et Moussa Moïse Sylla, et le site a été débloqué.
La Guinée occupe la 85e place au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2023.